Certains la trouvent absolument géniale, d’autres simplement médiocre et il y a ceux qui la détestent (en témoigne cet article).Vous l’aurez compris Valentina Lisitsa est une pianiste qui divise les opinions et c’est pour me faire ma propre idée que j’ai décidé d’aller l’écouter en concert le 15 octobre au Théâtre des Champs Elysées à Paris.

Qui est elle ? 

Valentina Lisitsa est une pianiste ukrainienne, née en 1973 à Kiev. En 1991, elle remporte avec son mari le concours pour deux pianos de la Fondation Murray Dranoff. Mais alors qu’elle déménage en Caroline du Nord sa carrière peine à décoller. N’ayant pas de public devant qui se produire, elle décide de poster des vidéos sur Youtube. C’est ainsi qu’elle se fait connaître et près de vingt ans après le concours de la Fondation Murray Dranoff, elle commence à être invitée à jouer dans de grandes salles telles que le Carnegie Hall ou le Musikverein de Vienne. En ce qui concerne la France, elle s’est déjà produite à la salle Pleyel et à la Philharmonie.

Comment l’ai-je découverte ?

Pour dire la vérité la toute première fois que j’ai vu son nom, c’était en cours de piano avec un élève. On cherchait une version qui pourrait lui servir de modèle pour le morceau qu’il travaillait. Elle est apparu dans nos suggestions YouTube et elle avait l’air d’une petite jeune de 20 ans qui cherche à se faire remarquer grâce à Internet. C’était en tout cas ma première impression, pleine d’a priori (et peut être accompagnée d’une pointe de jalousie de ma part) car j’ai déconseillé la vidéo à mon élève sans même avoir pris la peine de la regardér. Cette anecdote date d’il y a deux ou trois ans. Son nom a  ensuite demeuré dans mes suggestions YouTube et j’ai évidemment continué à ne surtout pas cliquer dessus.

Et puis cet été je me suis inscrite sur un forum de rencontre … non je blague ! Je me suis inscrite sur un forum de piano (si, j’te jure, ça existe ! Un endroit où les gens ne parlent que de piano et de pianistes). Et son nom a commencé à me sauter aux yeux au fil des sujets, avec pour la plupart des commentaires pas vraiment élogieux. Alors quand l’un des membres du forum a posté qu’elle serait en concert à Paris ce weekend, je me suis dit que c’était l’occasion pour moi d’aller me faire ma propre idée. Et j’ai commencé à potasser mon sujet …

Ce que l’on dit d’elle 

A travers le forum dont je vous parlais précédemment et quelques critiques de concerts et de disques trouvées sur Internet, j’ai pu voir ce qui est apprécié dans son jeu pianistique ou au contraire ce qu’on lui reproche.

Certains l’adulent et parlent d’elle comme LA pianiste de YouTube. En matière de musique classique je pense que l’on peut considérer cela comme vrai. Valentina Lisitsa a trouvé le moyen de se faire connaître d’un public qui n’est pas forcément amateur de musique classique mais néanmoins féru d’Internet. Cette façon de « démocratiser » la musique lui a valu d’être comparée à Lang Lang. Comparaison qui – les connaisseurs le savent- n’est pas censée être flatteuse. Et c’est là qu’il y a, à mon sens, une grande injustice. Dire de Lang Lang et Valentina Lisitsa qu’ils sont de mauvais musiciens juste parce qu’ils ont réussi à se construire un public qui n’est pas uniquement constitué d’une élite ou d’un petit cercle de connaisseurs, c’est être mauvais esprit (ou jaloux ?). Parce qu’on peut ne pas être touché par l’un ou par l’autre mais ils n’empêche que, passez moi l’expression, ils ne jouent pas comme de la merde ! Il y a derrière cela une solide technique et du travail.

Cette solide technique est d’ailleurs l’un des atouts majeurs de la pianiste ukrainienne aux yeux de ses fans, qui louent son jeu très précis (pas une note ne tombe à côté) et sa souplesse hors du commun. Ses détracteurs quant à eux, disent que « sa vélocité désentimentalise son jeu ».

Et ce que j’en ai pensé 

Pour son concert au Théâtre des Champs Elysées, Valentina (permettez que je l’appelle ainsi, c’est moins long à écrire) a choisi de donner l’intégrale des Nocturnes de Chopin.

Durant les trois premiers Nocturnes j’ai admiré la souplesse de ses bras et de ses poignets. Ayant eu pendant des années un jeu très rigide et essayant d’enseigner la souplesse et la détente à mes élèves (coucou Alice !) , je n’ai pu qu’être émerveillée lorsque je l’ai vue en action. Elle a cette façon d’effleurer les touches tout en réussissant à avoir un son à la fois doux et ultra précis. J’ai apprécié … pendant les trois premiers Nocturnes. Parce qu’arrivé au quatrième j’avais envie qu’il se passe autre chose. Ou juste quelque chose. Des nuances par exemple. Je n’avais plus l’impression d’écouter les Nocturnes de Chopin mais plutôt ses berceuses. Ma voisine de loge n’arrêtait pas de bailler. Moi même – je suis un peu gênée de le dire – je me suis endormie. Oui, carrément. Certes pas longtemps, mais quand même. Et rien n’est venu perturber mon sommeil, ni nuance forte, ni fausse note.

Au bout d’une heure j’ai même pensé que je me faisais chier. Et c’est là que je me suis dit qu’elle aurait dû mettre un entracte. Ou construire son programme autrement. Les Nocturnes de Chopin c’est beau et très apaisant. Mais peut être que deux heures d’apaisement c’est trop justement. Peut être qu’elle aurait dû n’en jouer que quelques un au lieu d’en donner l’intégrale et les coupler à des pièces plus contrastées et contrastantes.

Arrivée à l’avant dernier Nocturne, elle a changé quelque chose dans son jeu. J’ai trouvé ses attaques plus franches, plus au fond des touches. Il y a un même eu un petit contraste de nuance, quelque chose qui ressemblait à un forte. Et ça m’a fait du bien ! Mais ça n’a pas duré …

Ainsi vous l’aurez compris, je n’ai pas aimé ce concert. Je ne suis d’ailleurs pas la seule puisqu’en sortant de la salle j’ai entendu des gens converser et dire qu’ils avaient trouvé le temps long. Eux aussi étaient d’avis qu’il manquait des contrastes. Sa souplesse tant admirée était bien présente, ce qui confère beaucoup de légèreté à son jeu. Mais c’était justement trop léger à mon goût. Je ne lui demandais pas d’interpréter ces Nocturnes comme un bûcheron, mais d’être un peu moins en apesanteur, d’avoir un jeu plus posé et plus osé. Néanmoins je tiens à saluer sa prestation, deux heures de concentration et comme dit précédemment, aucune fausse note. Je respecte cela. Je ne pourrais d’ailleurs pas affirmer que je déteste la pianiste Valentina Lisitsa. Comme je l’ai écrit un peu plus haut, je l’avais étudiée avant de me rendre au concert. J’ai donc inévitablement (et enfin !) écouté certaines de ses vidéos YouTube dans lesquelles tout n’est pas mauvais. Et j’ai aussi écouté certains des albums qu’elle a enregistré, notamment celui sur Philip Glass. Là encore il y a de bonnes choses. Il est possible qu’un jour, lorsque j’aurais digéré ce concert, je retente une nouvelle « expérience-Valentina ». Mais pas tout de suite …

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